Kateri Tekakwitha



Première femme autochtone béatifiée
Celle que l’on connaît sous le nom de Kateri Tekakwitha naît vers 1656 dans un village iroquoïen nommé Ossernenon, aujourd’hui Auriesville 1 dans l’état de New York. Le village, situé sur les bords de la rivière Mohawk, était mieux connu sous le nom de Gandawaga et Ghanawagi à l’époque de la naissance de Kateri. On disait parfois Caughnawaga. Mais attention, ce village n’était pas situé près des frontières actuelles entre le Canada et les États-Unis.




Emplacement d’Ossernonon

Pour mieux comprendre le contexte dans lequel a vécu la petite Kateri, il faut d’abord connaître l’histoire de sa mère. Celle-ci était une jeune Algonquienne nommée Walhwalkesona, nom qui signifie Fleur-de-la-Prairie. On l’a parfois nommée Kahontake et Kahenta. Elle vivait avec des membres de sa tribu, les Weskarini 2, installés près du fort de Trois-Rivières. Ces Algonquiens, convertis au christianisme avaient
Du nom du dernier Agnier, Auries, qui vécu dans ce village.


 Weskarini : tribu algonquienne. Les Algonquiens étaient des nomades.


suivi le sachem  Charles Pachirini, également chrétien, lorsqu’il avait quitté sa région natale sur les bords de la rivière Outaouais. Vous savez sans doute que Trois-Rivières, à ses tout débuts, a subi de nombreuses attaques des Iroquois. Ces derniers considéraient les Français comme leurs ennemis jurés tout comme les tribus qui leur étaient alliées. Fleur-de-la-Prairie fut donc capturée au début des années 1650, lors d’une attaque dirigée par un Agnier de la Confédération des cinq nations iroquoises et elle fut emmenée à Ossernenon.

Les Jésuites, venus en Nouvelle-France pour les services religieux à la population, mais aussi pour évangéliser les Amérindiens, avaient tenté d’établir une mission à Ossernenon. C’est là que fut tué René Goupil en 1642. Il fut suivi, en 1646, par Isaac Joques et Jean de Lalande qui fondèrent la mission Sainte-Trinité. Les deux Jésuites subirent le même sort que leur collègue. Ces événements nous font mieux comprendre la complexité des relations entre les Français et les Cinq nations iroquoises. Il était coutumier, chez les Amérindiens, de traiter les gens capturés comme des esclaves. Cependant, Fleur-de-la-Prairie fut remarquée par le chef Agnier, chef du clan des Tortues, lors du voyage de retour vers Ossernenon. Il la prit pour épouse et l’installa dans la maison longue de sa famille.
 Le sachem désigne le chef suprême d’une nation amérindienne, généralement un Ancien.



Les Iroquoïens étaient sédentaires, pratiquaient l’agriculture et vivaient dans des villages permanents entourés de palissades. Ils habitaient des maisons longues faites de panneaux d’écorce. Leur société était matrilinéaire et la maison longue était administrée par une aïeule avec qui vivaient ses filles, leurs maris et leurs enfants. Une maison longue formait un clan. Chaque clan avait à sa tête un chef civil et un chef militaire.


Les parents de Kateri étaient donc de nation et de culture différente. Chez les Iroquoïens, ce sont les femmes qui cultivent la terre. Les hommes, quant à eux, sont des guerriers. Il y a fort à parier que le père de Kateri, chef de clan et chef militaire, continua de se rendre dans la vallée du St-Laurent pour attaquer les Français. Malheureusement pour la population des nations iroquoises, ce ne sont pas que des scalps que les guerriers rapportèrent dans leur village. Ils reviennent aussi avec des maladies de Blancs, telle la petite vérole. En 1660, à Ossernenon, la population est frappée par une épidémie de cette terrible maladie. Toute la famille de Kateri y trouve la mort à l’exception de la petite fille qui sera pris en charge par une tante et un oncle. Atteinte elle aussi, elle survit avec des séquelles : son visage est marquée par cette maladie et sa vue est altérée; elle devient presque aveugle. À partir de ce moment, on lui donna le nom de Tekakwitha  qui signifie : "celle qui avance en hésitant" ou « celle qui marche à tâtons ».



Ses activités, comme toute les petites filles de son âge chez les Amérindiens, consistent à cueillir des fruits sauvages et aider les femmes au séchage de la viande. Elle apprend à décorer les mocassins et les vêtements de peau. On dit qu’elle a souffert des moqueries des Agniers à cause de son visage grêlé. Ses historiens disent également qu’elle se souvient de l’histoire de Jésus dont lui parlait sa mère. Cependant, comme ces premiers historiens sont des missionnaires, cette affirmation n’est peut-être pas tout à fait véridique.


 À la naissance d’un enfant chez les Amérindiens, on lui donne un nom temporaire. Plus tard, on lui donne son nom définitif selon son caractère ou son physique.



En 1666, alors qu’elle est âgée d’environ 10 ans, Tekakwitha connaît une grande peur. Des militaires français, pour la première fois, se dirigent vers son village. Il s’agit des troupes du régiment de Carignan-Salières commandé par le marquis de Tracy. Mâtés, les Nations iroquoises acceptent de faire la paix, une paix relative puisque plus tard, les Iroquois reprendront leurs escarmouches dans la vallée du St-Laurent. Quoiqu’il en soit, après l’expédition punitive de Tracy, les Jésuites reviennent au pays des Agniers. La Mission Saint-Pierre est fondée en 1667 à Gadaouagé 5, le village voisin d’Ossernenon.


Pendant près de 10 ans, Tekakwitha est au contact des missionnaires qui tentent d’évangéliser les Agniers. Sans doute qu’une fibre vibre en elle, lui rappelant sa mère chrétienne décédée trop tôt. À l’âge de 12 ans, sa famille, oncle et tante, lui trouvèrent un époux. Au grand déplaisir de ces derniers, la jeune fille refusa tant et si bien que le futur époux, de guère las, abandonna tout espoir de la marier. Par ce refus, elle fut presque réduite à l’esclavage. C’est que, malgré les grandes libertés qu’on trouvait chez les Amérindiens, les femmes n’étaient pas indépendante à ce point. Selon les récits de cette époque, elle aurait érigée une croix dans les bois pour aller faire ses prières.


Vers 1675, un nouveau missionnaire est nommé pour diriger la Mission Saint-Pierre. Ce missionnaire est Jacques de Lamberville, un Jésuite. On raconte que Tekakwitha le rencontra lors d’une visite du père Lamberville à son oncle, le chef de son clan. Elle aurait réussi à lui dire son désir de se faire baptiser. Cependant, elle dut suivre la voie ordinaire des catéchumènes pour recevoir ce sacrement. Six mois plus tard, le père




Lamberville la baptisa du nom de Catherine. C’était le jour de Pâques de 1676. Catherine se disant Kateri dans la langue des Agniers, elle fut désormais connue sous le nom de Kateri Tekakwitha. Cette conversion ne fut pas accueillie avec joie dans le village de Kateri et, pour éviter la persécution, elle s’évada à l’automne 1677 avec l’aide, dit-on, de deux Amérindiens convertis. Munie d’une lettre du directeur de la mission Saint-Pierre, Kateri parcourt plus de 320 km à pied et en canot d’écorce pour aller vivre à la Mission Saint-François-Xavier située à Laprairie 6. Le père Jacques Frémin, un autre Jésuite, en était le supérieur. Peu de temps après, la Mission était déménagée au Sault-S-Louis. C’est le père Frémin qui donna la première communion à Kateri Tekakwitha le jour de Noël 1677. On dit également qu’elle assistait à la messe du matin deux fois par jour, celle de quatre heures, puis celle de sept heures


Après une visite chez les Hospitalières de St-Joseph, à l’Hôtel-Dieu de Montréal, son plus cher désir fut de pouvoir fonder une communauté de religieuses autochtones et ainsi pourvoir évangéliser les Iroquois. De santé fragile, elle ne réussira pas à mener ce projet à terme. Le 25 mars 1679, le Père Frémin permit toutefois à Kateri de prononcer privément le voeu de virginité et de se consacrer à Notre-Dame qu'elle aimait éperdument. Elle meurt le 7 avril 1680 après être tombée malade, conséquence d’une longue marche vers Laprairie par un jour très froid. On raconte que, moins de quinze minutes après son décès, son visage grêlé devint lisse, exempt de toute cicatrice. Par la suite, plusieurs miracles lui furent attribués dont celui d’avoir sauvé «la mission du Canada de l’extermination des mains des Iroquois».



Une statue, oeuvre de Médard Bourgeault de St-Jean-Port-Joli,
fut placée, en 1941, dans le Sanctuaire de Kateri Tekakwitha, à
la Mission St-François-Xavier dite du Sault St-Louis.
6 À 15 km du Kahnawake d’aujourd’hui




Vénérée par toute les Nations Amérindiennes de l’est du Canada, Kateri Tekakwitha fut déclarée «vénérable» le 3 janvier 1943 par le pape Pie XII. Elle franchit une autre étape vers la sanctification lorsqu’elle fut béatifiée par le pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980.








20 février 2012







Kateri Tekakwitha se rapproche à grands pas de la sainteté. Benoît XVI vient en effet d'autoriser la canonisation de la bienheureuse mohawk, dont le tombeau est situé dans l'église de Kahnawake.Portrait de Kateri Tekakwitha.... (Photo: PC) - image 1.0AgrandirPortrait de Kateri Tekakwitha.PHOTO: PC«C'est un accomplissement, se réjouit le diacre Ron Boyer, du centre Kateri, à Kahnawake. Nous avons mis tellement d'efforts et de temps sur cette cause. Maintenant, avec un peu de chance, on va pouvoir relaxer. Mais ce n'est pas parti pour ça.»Morte en 1680, celle qu'on surnomme le «lys des Mohawks» a été béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1980, deux ans avant le frère André. Mais il lui manquait encore un miracle «certifié» pour être proprement sanctifiée.C'est maintenant chose faite.En 2006, Kateri aurait en effet sauvé un jeune garçon de Seattle de la bactérie mangeuse de chair. Après avoir été à l'étude pendant plus de cinq ans, le dossier a finalement reçu l'imprimatur du Vatican. Sauf erreur, cela fera de Kateri la première sainte autochtone d'Amérique du Nord.Lieu de culte

Cette nouvelle aura évidemment un impact considérable sur la petite ville de Kahnawake, qui risque de devenir un lieu de pèlerinage majeur.«Pour nous, cela veut dire qu'il y aura plus de tourisme», souligne Greg Horn, propriétaire du site d'information kahnawakenews.com. «Ça va aider notre église. Elle en avait bien besoin.»

Kenneth Deer, de la Maison longue de Kahnawake, est pour sa part plus réticent. «Ça va changer notre communauté pour toujours, c'est sûr. Mais je ne suis pas certain qu'on soit vraiment préparés à ça. Pour le moment, notre communauté n'a pas les infrastructures pour recevoir un si grand afflux de visiteurs.»

Objet de culte international, Kateri Tekakwitha était déjà considérée comme une sainte officieuse. Dès le XVIIe siècle, les jésuites ont été les premiers à écrire son hagiographie et à pousser sa cause à Rome. Son personnage d'Amérindienne illuminée faisait l'objet d'une littérature et d'une iconographie abondantes.

Des deux côtés de la frontière, des organisations se disputaient par ailleurs sa nationalité. Américaine ou canadienne? La question reste en suspens, étant donné que Kateri est morte avant que les deux pays n'existent. Diplomate, le Vatican semble pour l'instant vouloir lui accorder le statut consensuel de sainte «nord-américaine».Colonisée spirituelle

Fait intéressant: tous les Mohawks ne partagent pas le même enthousiasme pour Kateri Tekakwitha. Les plus traditionalistes lui reprochent encore de s'être convertie au catholicisme, ce qui en aurait fait une sorte de «colonisée spirituelle». Mais Ron Boyer est convaincu que sa canonisation réunira les deux camps. «Ils [les traditionalistes] vont revenir à l'église, j'en suis sûr», lance le diacre.

Benoît XVI devrait annoncer la date officielle de canonisation au début de la nouvelle année. D'ici là, avis aux intéressés: une messe de Noël en mohawk sera donnée à l'église Saint-François-Xavier de Kahnawake, le samedi 24 décembre à 20h.