Les Autochtones du Japon : Les Aïnous


Personnellement, Le mot '' Aïnous''  ressemble beaucoup mot '' Innu'' ...coincidence?

 De plus, une photo ressemblant étrangement à une femme innue du XIII siècle ci-dessous



TEMOIGNAGE

« Je viens d’un autre Japon »

Tout en vivant à Corcelles, Kaori Tahara- Dallais a entamé une carrière politique au Japon, où elle est devenue la première femme politicienne aïnoue d’envergure nationale. Elle représente une minorité ethnique méconnue et longtemps discriminée.

« Je suis d’origine aïnoue, une population autochtone qui vit depuis des milliers d’années sur l’île d’Hokkaido, où je suis née, et qui a été victime d’une politique d’assimilation radicale de la part du gouvernement central », raconte Kaori

Tahara de sa voix calme et posée. Cette habitante de Corcelles, connue dans son pays d’origine en raison de son engagement politique, est issue d’une famille influente, impliquée dans la défense des droits et de la culture aïnous, une population victimes de nombreuses discriminations et humiliations au fil de son histoire. « Aujourd’hui, beaucoup d’Aïnous ont honte de révéler leur origine ethnique et de nombreuses pratiques culturelles ont disparu. J’ai vu la dernière femme ayant les lèvres tatouées de manière traditionnelle lorsque j’étais au lycée et même ma grand-mère ne parlait plus la langue», raconte cette femme qui a été élevée comme n’importe quelle Japonaise, portant les mêmes habits, parlant la même langue et suivant la même scolarité que ses compatriotes. En revanche, son enfance a été ponctuée de cérémonies, auxquelles ses camarades de classes n’assistaient pas : des rituels pour célébrer la nouvelle année, la construction d’une maison ou la chasse d’un ours, animal encore présent sur l’île d’Hokkaido et vénéré par les Aïnous. « A la maison, on m’a transmis une autre manière de voir le monde. Pour nous, tout est habité par le divin, même un chat ou une chaise ! Cela mène à un grand respect
envers toute chose. »

Aujourd’hui, Kaori est devenue une « ambassadrice » de son peuple au niveau international et académique, publiant régulièrement des articles sur la langue de ses ancêtres et le mouvement mondial des populations autochtones. Depuis très jeune, elle a été attirée par d’autres ethnies minoritaires, notamment par les Amérindiens, qui la fascinaient. « Pour
moi, ma culture d’origine était trop banale, elle faisait partie de moi, de mon quotidien », raconte Kaori. Après avoir étudié l’histoire et la pédagogie à l’université de Sapporo, la jeune femme a souhaité partir à Toronto, afin de perfectionner son anglais et suivre une
formation consacrée aux peuples indigènes.

Représentante indigène à l’ONU

Mais ses projets ont été mis à mal, une semaine à peine après son arrivée au Canada. L’étudiante japonaise a dû quitter le campus pour partir représenter les Aïnous aux Nations Unies, à l’occasion d’un stage de six mois. « J’avais postulé sans trop y croire et sous la pression d’amis de la famille. Je n’avais pratiquement aucune chance d’être choisie. Il y avait plus de 300 candidats pour 4 places. Je m’étais inscrite pour qu’on me fiche la paix », avoue Kaori qui s’est ainsi retrouvée à Genève auprès de trois autres
stagiaires d’origine indigène, un Indien d’Amazonie, un Adivasi d’Inde et un Nenet de Russie, formés pour devenir de futurs leaders. « C’était intéressant mais je n’avais pas envie d’être là », confie Kaori
qui a passé un premier été déprimant en Suisse dans la grisaille et sous la pluie. « Je rêvais de retourner à Toronto et reprendre la vie que j’avais choisie. » Et pourtant, la jeune femme finira par s’installer définitivement en territoire helvétique, et ce à cause d’un anthropologue genevois, Philippe Dallais, qui deviendra son époux. « Nous nous connaissions d’Hokkaido, où il avait fait des fouilles et des recherches ethnologiques. Il parlait un peu le japonais et s’intéressait aux Aïnous. Lorsque je suis arrivée à Genève, il m’a montré les lieux et nous nous sommes rapprochés», sourit Kaori, désormais installée avec lui à Corcelles, dans un appartement niché dans une ancienne maison vigneronne. Mais Kaori a toujours gardé des liens très forts avec le Japon, retournant sur l’archipel de son enfance tous les deux mois, tout en préparant un master sur Paris. « Je n’ai pas trouvé d’université en Suisse qui me permettait d’étudier en sciences sociales un sujet « périphérique » comme je voulais le faire », raconte la chercheuse qui a écrit une thèse en français sur l’histoire des Aïnous et la colonisation japonaise d’Hokkaido, un texte qui sera publié à 4000 exemplaires au Japon.



Politicienne hors norme

En parallèle, cette femme d’une trentaine d’années a entamé une carrière politique au Pays du soleil levant, ce qui explique notamment ses nombreux allers-retours
entre Corcelles et Sapporo. En 2007, elle a récolté plus de
600 000 voix lors des élections au Sénat nippon, et ce en tant qu’indépendante ! Bien qu’elle ait manqué de peu l’accession à l’un des deux sièges réservés aux représentants d’Hokkaido et
de ses cinq millions et demi d’habitants, elle a réussi à susciter l’enthousiasme bien au-delà de sa communauté d’origine, devenant une figure importante de la politique japonaise, et la première politicienne aïnoue de cette envergure.

Il y a un an, Kaori a donné la vie à un petit garçon. Depuis, elle a réduit la cadence de ses voyages au Japon, tout en continuant néanmoins à enseigner au sein de l’Université des études internationales à Tokyo. « J’ai demandé à ce que mes cours puissent être donnés en bloc, ce qui me permet de diminuer les allers-retours », précise-t-elle. Il y a quelques mois, la discrète Japonaise de Corcelles a fait la

Une d’un des plus grands quotidiens nationaux du Japon. Le journaliste est venu
de Tokyo pour la rencontrer et entendre son analyse politique dans le cadre des
dernières élections nationales. En Suisse, Kaori apprécie son anonymat. La vie est
plus tranquille et le téléphone sonne moins souvent...

Cette rubrique, soutenue par le Service de la cohésion multiculturelle neuchâtelois, se
veut un apport constructif dans la compréhension interculturelle et souligne
la diversité de la communauté étrangère neuchâteloise.

Valérie Kernen


Les Aïnous en bref

Territoire ancestral: Nord du Japon et extrême Est de la Russie.
Population : estimée à 150 000 personnes.
Mode de vie traditionnel : chasse, pêche,
cueillette et agriculture.

Langue : la langue aïnoue a pratiquement
disparu, son origine reste mystérieuse et
certains militent pour qu’elle soit reconnue
comme langue nationale au Japon.

Croyances : animisme, avec le feu et
l’ours comme divinités importantes.

Aujourd’hui, beaucoup d’Aïnous sont de
confession bouddhiste, shintoïste ou
chrétienne.

Histoire: Les Aïnous sont reconnus
comme étant les descendants des premiers
habitants du Japon, d’abord présents sur
tout l’archipel, ils sont localisés au 7e
siècle sur les îles d’Hokkaido, de
Sakhaline, les Kouriles et au sud du
Kamtchatka. 1868 :

le Japon impérial

commence la colonisation d’Hokkaido,
assimilant de force les Aïnous, confisquant
leurs terres et interdisant leurs pratiques
culturelles. La langue, la pêche au saumon,
les enterrements et les mariages rituels,
ainsi que les tatouages des femmes autour
de la bouche sont restés interdits jusqu’en
1997, année de la promulgation de la Loi
pour la Promotion de la Culture des Aïnous
au Japon. 2008 : reconnaissance par le
gouvernement des Aïnous comme peuple
autochtone. La plupart des Aïnous
assimilés souffrent de discrimination,
vivent dans des conditions précaires,
inférieures à la moyenne japonaise.

Tout comme les autochtones partout dans le monde.